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HERGÉ
(préface aux Fables de La Fontaine chez Tallandier 1982)
Je devais avoir douze ou treize ans lorsque quelqu'un - un ami de la famille, je suppose, qui savait probablement que je ne cessais de griffonner des petits "bonshommes" - m'a offert une série de six cartes postales en couleurs illustrant la fable "Le corbeau et le renard". Et j'ai été immédiatement conquis. Car ces dessins étaient très simples. Très simples, mais robustes, frais, joyeux et d'une lisibilité parfaite. En quelques traits bien charpentés, tout était dit : Le décors était indiqué, les acteurs en place ; la comédie pouvait commencer. Les coloris, eux aussi, m'enchantaient. C'étaient des aplats de couleurs, sans aucun dégradé, des couleurs franches, lumineuses, nettement délimitées par un trait énergique et "fermé". C'est ainsi que, en quelques instants - et à mon insu, car ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai pu analyser mes impressions -, c'est ainsi que Benjamin Rabier (car ces dessins átaiet de lui, vous l'aurez deviné) est devenu, à mes yeux, un maître ! Et c'est à coup sûr de cette rencontre que date mon goût pour un dessin clair et simple, un dessin qui soit compris instantanément. C'est, avant toute chose, cette lisibilité que je n'ai cessé de rechercher moi-même. Ces six cartes postales, je les ai conservées précieusement. Je viens de les contempler une fois de plus, et non sans une certaine émotion : Il y a soixante ans qu'elles me sont apparues pour la première fois et j'éprouve toujours pour elles, et pour leur créateur, la même admiration. |
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